samedi, 18 septembre 2010
SHERLOCK : Premières impressions (Sherlock ne meurt jamais, partie 1)
Vous connaissez le mythe. De nom, rien que de nom. Un don de l'observation aiguisé, une remarquable intelligence, un sens de la déduction poussé. Vous connaissez son side-kick. Vous connaissez l'inspeteur désespéré faisant appel à ses services, non pas le Commissaire Gordon, mais Lestrade. Et le nom de sa nemesis, véritable génie du crime. Moriarty.
Vous avez au moins connaissance du nom de l'histoire ayant marqué la rencontre entre Sherlock et John : Une étude en rouge. Cette fois, ce sera Une étude en rose, pour le premier épisode d'une mini-série que j'espère se voir poursuivre. La couleur change, les circonstances aussi, le crime, soient des éléments purement factuels. La substantifique moelle demeure...
Enfin... J'avais hâte de voir cela, la énième version de Sherlock Holmes, le mythe tellement adapté, que ce soit au cinémla ou à la télévision. La seule solution pour se démarquer véritablement de tous les autres ? Revivifier le mythe ? Mais oui, bien sûr, quelle idée de génie... Déplacer le personnage, et ses invariants (le tout aussi mythique Dr Watson, l'adresse incontournable du 221 B. Baker Street... ) au... XXIème siècle, et faire du personnage un de nos contemporains.
Voilà l'idée de Steven Moffat, génie scénaristes de certains des meilleurs épisodes de Doctor Who, désormais showrunner de la série, et déjà auteur d'une autre remarquable relecture d'un autre emblématique personnage de la littérature, lui aussi maintes et maintes fois adapté au cinéma ou à la télévision : Jekyll. Ici, dans cette nouvelle version, lancée dans un délai très bref par rapport à la sortie du très hollywoodien Sherlock Holmes de Guy Ritchie, le sel est de retrouver le personnage, et en même temps de le redécouvrir.
Du coup, d'entrée de jeu, les références au monde contemporain abondent : John Watson est un vétéran de guerre, hanté par les champs de bataille qu'il a dû abandonner, soit l'Irak, soit l'Afganistan, on ne peut faire plus contemporain. Le procédé qui frappait les comics, réactualiser les origines d'un personnage pour une nouvelle audience, se voit ici adopté par la littérature et la télévision. En plus de cette référence, les caméras de surveillance, les SMS, et donc les portables abondent dans le TV-film, comme si l'on voulait enfoncer le clou. Mais alors que ce pourrait être le cas, ces éléments ne choquent pas. A l'image d'une Londres que la BBC aime, à la fois intemporelle (certaines choses faisant partie du "folklore" ne sont pas destinées à changer, comme les cabines téléphoniques rouges ou les bus à étages caractéristiques et très moderne.
Production attendue au tournant, le casting a été particulièrement soigné. Les acteurs sont brillant, Martin Freeman incarnant un Watson tout en retenue et en sobriété. L'interprète de Sherlock, Benedict Cumberbatch, est lui, par contre, habité par le personnage. Les fondamentaux sont rappelés, mais de façon subtile. La rencontre entre les deux hommes est expédiée, mais après tout, l'histoire est connue de tous. Et encore une fois, ce qui fascine, c'est la personnalité de ce "sociopathe", dont on se demande s'il est véritablement capable de ressentir toute émotion. Sort tragique de ces personnes au Q.I. élevé, pour qui le quotidien, avec son lot de lenteur, de scènes d'un ennui profond, donne des envies de suicide ou de meurtre. Et qui, le cerveau ayant besoin d'être alimenté ou occupé, ont soif d'énigme, de mystère à résoudre de machine à penser.
Au passage, je ne sais pas si c'est volontaire ou pas, si l'un à influencé l'autre, mais il y a du Docteur Who dans ce Sherlock, tout comme il y avait du Sherlock Holmes dans le Docteur, lui aussi confronté à des énigmes à résoudre parfois, tous deux étant aussi géniaux ou brillants l'un que l'autre. Ainsi, Sherlock a besoin de se concentrer, exigeant le silence de ceux qui l'entourent, à l'image du Docteur version Matt Smith (le nouvel acteur l'incarnant), et donc version Moffat. Et tous deux, le Docteur ou le Détective, ont tendance parfois à admirer l'intelligence d'autres individus, s'énorgueillir de susciter l'admiration, ou s'agacer de la bêtise crasse de certains. Différence notable toutefois, qui sépare les deux personnages, le Docteur fait preuve de bien plus de compassion pour l'humain que Sherlock, indifférent aux autres, "marié à son travail ".
La réalisation, un des éléments-clés dans un tel projet, est tout aussi marquante : le début de l'épisode s'appuie sur certains gestes, certains regards, certaines scènes, qui ne prendront leu signification que par la suite. Il y a du X-Files dans la réalisation, dans le choix de certains plans, de certaines confrontations. Serait-ce une autre influence inconsciente ? Avec des choix séduisants et audacieux, presque Tarantiniens, ludiques, dans la transmission d'informations au spectateur : lorsque les personnages lisent ou tapent un Texto, celui-ci apparaît à l'écran ! Et la scène de poursuite d'un taxi... il fallait y penser, nous faire pénétrer à l'intérieur de l'esprit de Holmes, nous faire partager, un court moment, le fonctionnement de son esprit. Après tout, le langage n'est qu'une série de codes et de signes...
Pour mon avis, ce sera court, j'ai adoré, me laissant complètement embarquer par tous ces éléments, autant la réalisation, que l'intrigue, que les acteurs, que de redécouvrir certains éléments, que de retrouver certains invariants attendus. C'est encore un coup de maître et une véritable réussite de la part de la BBC et de Steven Moffat.
22:44 Publié dans SHERLOCK | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : sherlock, sherlock holmes, watson, steven moffat, mythe, littérature, doctor who, le docteur, bbc